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Récits visuels

Surtourisme à Kamakura : Quand un passage à niveau devient victime de sa célébrité

À Kamakura, au sud de Tokyo, un simple passage à niveau attire chaque jour des foules de touristes venus photographier la scène culte de l’animé Slam Dunk. Mais l’engouement vire au casse-tête : trottoirs saturés, circulation entravée et habitants excédés. Pour la première fois, la ville teste un dispositif afin de canaliser cette ferveur.

Train Enoden Kamakura

Un signal retentit, les barrières s’abaissent, le petit train de la ligne Enoden surgit le long de la côte. Smartphones levés, des visiteurs immortalisent l’instant : l’image culte du générique de Slam Dunk prend vie. Mais le décor idyllique est brouillé par les klaxons et les attroupements. Certains s’aventurent sur la chaussée, d’autres encombrent les trottoirs. Les riverains soupirent : « On ne peut plus sortir de chez nous sans être pris en photo. »

Publié dans les années 1990, le manga Slam Dunk s’est écoulé à plus de 170 millions d’exemplaires. Son adaptation animée a marqué des générations, et la scène du passage à niveau de Kamakura-Kōkōmae est devenue iconique. Pour des milliers de fans, s’y rendre relève d’un véritable « seichi junrei », un pèlerinage sur les lieux de fiction.

La rançon de cette célébrité se mesure au quotidien : routes obstruées, voitures contraintes de manœuvrer dangereusement, déchets abandonnés. La ligne Enoden, voie ferrée centenaire conçue pour un usage local, ploie sous l’afflux de visiteurs. Les conducteurs doivent parfois patienter pour que les photographes libèrent les abords des rails.

En septembre 2025, la mairie de Kamakura déploie douze agents municipaux pour rediriger les foules vers un espace photo spécialement aménagé dans un parc voisin. Corbeilles à déchets, messages de sensibilisation et encouragement au recours aux parcs-relais complètent le dispositif. L’opération, présentée comme expérimentale, suscite toutefois des craintes : certains habitants redoutent qu’un « spot officiel » attire encore plus de monde.

L’expérience reflète un défi plus large. Avec plus de 36 millions de visiteurs en 2024, le Japon fait face à des tensions croissantes : ruelles saturées à Kyoto, restrictions à Miyajima, navettes imposées à Nikko. Kamakura, à moins d’une heure de Tokyo, subit la même pression.

Pour les commerçants, le phénomène est une manne. Pour les habitants, une épreuve. Entre passion des fans et lassitude des riverains, la ville cherche un fragile équilibre. La question reste entière : comment accueillir sans dénaturer ?

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